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Archives en formation

À contrôler, surveiller et maîtriser, longtemps négligées.

Comment nommer les documents produits par les organisations avant leur transmission à un service d’archives ? Si « archives courantes »* et « archives intermédiaires »* dominent aujourd’hui la littérature archivistique francophone, ainsi que « document »* et « record »* dans la littérature anglo-saxonne, d’autres termes et expressions ont été employées dans le passé, aujourd’hui inusitées voire oubliés.

C’est le cas d’« archives en formation ».

Le décret du 21 juillet 1936, qui a régi jusqu’en 1979 en France les relations entre les services d’archives et les administrations, donne une définition assez large. Il parle des « dossiers, registres et pièces concernant les affaires traitées par les administrations, services et établissements de l’État » (article premier) ainsi que des « documents » que l’on peut livrer à l’administration des Domaines, vendre ou détruire (articles quatre et cinq). Ne sont des archives au sens de ce décret que ce qui est conservé dans un local ou un service d’archives.

Les choses changent après la Seconde Guerre mondiale. C’est en 1949 que l’expression « archives en formation » apparaît, dans le cadre des travaux du Conseil international des archives (CIA). C’est manifestement Charles Samaran*, directeur honoraire des Archives de France et président du CIA, qui l’utilise pour la première fois devant un public français, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association amicale et professionnelle des archivistes français, le 23 juin 1949. Il présente à ses collègues le programme retenu pour le premier Congrès international des archives qui doit se tenir à Paris en 1950. Et il l’associe immédiatement à un verbe marquant : « contrôler ». Dans son esprit, en effet, il s’agit de traiter des procédures et méthodes utilisées par les archivistes pour éviter les destructions intempestives d’archives dans les administrations.

L’expression est reprise ensuite par Léonce Celier, inspecteur général des archives, le 22 décembre 1949, lors d’une conférence donnée à la Société de l’École des chartes. Il l’utilise avec des guillemets pour encadrer « en formation », afin d’évoquer ces archives négligées « qui s’élaboraient dans les nombreux services qui ne faisaient jamais de versements ». Il estime que le décret de 1936 a joué un rôle essentiel dans l’intérêt qu’elles suscitent désormais, soit pour en empêcher la destruction, soit pour en exiger le dépôt dans un service d’archives..

L’année 1950 marque la consécration de l’expression lors du premier Congrès international des archives. Le thème du contrôle des archives en formation fait l’objet de la première session et la deuxième Conférence internationale de la table ronde des archives (CITRA) qui se tient à Namur en 1955, est d’ailleurs consacrée à cette seule thématique.

L’expression est ensuite largement reprise et utilisée dans les débats archivistique français, notamment dans l’article rédigé par Yves Pérotin* dans le Manuel d’archivistique de 1970 – même si le texte avait été rédigé dès 1962.

À partir de la fin des années 1950, « archives en formation » est cependant concurrencée par « archives courantes »* qui apparaît pour la première fois dans un article rédigé par Michel Duchein* dans La Gazette des archives en 1957 . Cette nouvelle expression se diffuse d’autant plus dans la terminologie professionnelle à partir des années 1970 qu’elle est consacrée dans la réglementation en 1979.

Dès lors, « archives en formation » tombe en désuétude. Le Vocabulaire des archives publié par l’AFNOR en 1986, comme le Dictionnaire de terminologie archivistique publié par la direction des Archives de France en 2002 ou le dictionnaire de terminologie archivistique multilingue disponible sur le site internet du Conseil international des archives l’ignorent.

Si l’on en croit La Gazette des archives, c’est Georges Cuer qui est le dernier à l’avoir employée en 2005. Pour regretter le peu d’intérêt manifesté par les universitaires à l’égard d’une question qui occupe pourtant une grande partie des archivistes par ailleurs soucieux de leur permettre de travailler dans de bonnes conditions. [E. V.]

Bibliographie : Assemblée 1950. – Caillet 1951. – Celier 1950. – Clemencet, Waquet 1949. – Cuer 2005. – Duchein 1957.